Parmi les 500 artistes exposants du Mondial Arts Salon de Chateaublanc. une femme, taille menue, visage hâlé, qui n'aime guère parler de sa peinture.
"Si je peins, avoue-t-elle aux intimes, c'est pour ne pas parler." En fait, du langage, Sylvette Bonnin ne connaît que trop les impasses et les faux-fuyants, elle qui depuis vingt ans travaille en psychiatrie.
L'inconscient, c'est le corps, le souffle de l' âme aux abois, c’est la chair traversée de spasmes, c'est la couleur et le grain de la toile-peau, c'est l'inépuisable mouvance des formes. Dans la peinture de Sylvette Bonnin, il y a toujours trace de cette brèche, de ce manque autour duquel on se construit et que ses patients, "les fous", portent au front comme un stigmate. II suffirait de voir La chaise vide ou Les ailes du désir pour le comprendre.
Aujourd'hui et pour quatre jours, c'est La nef des fous qu'elle nous donne à revisiter. On n'est pas loin de Bosch, bien sûr, pas loin non plus du Bruegel, de La parabole des aveugles...une même dramatique urgence dans le mouvement, une même dérision dans le propos. Mais la plus grande audace, peut-être, du tableau de Bonnin, c'est qu'elle nous y a mis et qu'on s'y reconnaît... "Insensé qui croit que je ne suis pas toi !" disait Hugo.
La question insidieuse et lancinante qu'aujourd'hui encore le peintre, l'artiste , nous pose , est de savoir en définitive de quel abîme ou de quelle proximité l'"insensé" encore et toujours nous parle...