Les artistes comme Sylvette Bonnin n’ont pas leur pareil pour vous prendre au collet ou vous faire partir en courant. C’est sans doute le plus sûr indice de quelqu’un qui est là, de toile en toile, à l’écart de la foule et de ses injonctions, traversé de quelque feu (comme on disait autrefois), intrépide, farouche, qui ne saurait s’exprimer qu’en images, venues on ne sait d’où, rétives aux mots qui nomment et qui enserrent, indifférentes à l’attente de tous, à l’attente du temps.
Ne demandez pas à Sylvette Bonnin de vous parler de ce qui sort de ses brosses. Pas plus des natures mortes, des portraits, des paysages (lumineuses toiles de naguère) que des figures indécises surgies aujourd’hui, le temps d’un étrange passage dans le vide, surgies ou arrêtées dans leur course, fixées là, sur la toile, par une dérangeante interrogation, un appel effrayé où vous croyez parfois reconnaître quelque chose de vous…
Ne la questionnez pas davantage sur sa technique. Qui n’en a pas ? Et qu’importe le savoir-faire ! C’est d’un autre savoir qu’il s’agit dans ses œuvres. De ce savoir en nous qui s’ignore, le plus souvent, jusqu’à ce qu’une image, justement, vienne faire effraction…
Point de théorie chez Sylvette Bonnin. Point d’habillage. Le trait, seul. Et le surgissement de la forme, fût-elle brouillée, indécidable. L’étalement de la couleur jusqu’à sa perte…
Des maîtres ? Oui, sans doute, mais hors discours, et sans allégeance.
Un parcours qui depuis 30 ans se poursuit, d’œuvre en œuvre, laquelle fait toujours « expérience » pour qui ose, un instant, ouvrir l’œil et regarder…
C.J